IL REVENAIT DE BAVIERE

Le récit ci-dessous a été extrait du bulletin trimestriel "Art et Histoire"de Gembloux et Environs. Il relate l'odyssée d'un B17 en difficulté dans le ciel de notre village. Il faut que vous sachiez que le Raoul François dont l'histoire ci-dessous est relatée est le fils de feu "Louis  dès Bièrd'ji".

Le 17 août 1943 restera toujours une journée sombre dans les annales de l'armée de l'air américaine. Deux usines allemandes, l'une à Schweinfurt, l'autre à Regensburg (Ratisbonne) sont spécialisées dans la fabrication de roulements à bille, matériau très important dans la construction des avions. Il faut détruire les deux usines qui se trouvent hélas! très loin en Allemagne.

Si, de leur base anglaise de High Wycombe, les bombardiers américains B17 peuvent transporter suffisamment de carburant pour accomplir le périple, il n'en va pas de même de leur escorte habituelle de chasseurs dont le rayon d'action est limité. Pratiquement pendant tout le trajet au-dessus du terrtoire allemand, les B17 seront livrés à eux-mêmes, c'est-à-dire exposés à tous les moyens de défense ennemis, dont notamment la chasse aérienne.

La mission est confiée au 381ème groupe de la 8ème Air Force dont 363 B17 s'envolent le 17 août à 9h35. Soixante de ces appareils seront détruits, cents autres seront inutilisables.

Néanmoins, pour tromper la chasse allemande qui, se relayant tout au long du parcours, attend les bombardiers américains au retour de leur mission, un nombre important de B17 rejoindra, par un autre itinéraire, une base américaine d'Afrique du Nord.

 

Le 17 août 1943, le temps est superbe. Ce jour-là, la commune de Grand-Leez organise une fancy-fair au profit de ses oeuvres diverses. Il est 16 heures, 17 heures peut-être. André Loise, fils du bourgmestre a travaillé dur toute la journée à la ferme paternelle. Dans sa chambre, il se fait un brin de toilette avant de descendre au village et y retrouver les copains avec qui boire une chope, lorsque lui parvient, comme au ralenti, un bruit de moteur d'avion. Il court à la fenêtre et voit effectivement passant, tout proche, un B17 américain.

L'avion peine à si basse altitude, que l'on peut apercevoir, sur l'une de ses ailes, deux hommes de l'équipage affairés autour de l'un des moteurs manifestement en panne. L'avion fait un tour et lorsqu'il repasse devant les fenêtres de la chambre d'André Loise, toujours à très basse altitude, les deux hommes qui sur l'aile, s'évertuaient à réparer le moteur en panne ont disparu. Le commandant de bord a décidé d'atterrir car, après avoir tournoyé, à la recherche d'une piste de fortune, le bombardier se pose sur le ventre aux confins des localités de Lonzée et de Petit-Leez, entre le lieu-dit "La peau de chien" et le Château de Petit-Leez.

Les deux frères d'André Loise, Guy et Emile se promènent par là en vélo avec Raoul François de Lonzée dont la maman est ocupée à la ferme Loise ; ils assistent à l'atterrissage de l'avion.

André Loise, dès qu'il n'a plus perçu le bruit des moteurs s'est dit : "Il a sûrement atterri!". Il se précipite au dehors, enfourche son vélo et se dirige vers l'endroit présumé de la chute de l'avion ; lorqu'il y arrive tout essouflé et en nage car, il fait très chaud, quelques badauds l'y ont précédés.

 

 

Les dix hommes de l'équipage sont sortis de l'appareil dont, en dernier lieu, le commandant qui, se penchant pour rassembler les documents de bord et les déposer dans l'entrebaillement de la porte par laquelle l'équipage est sorti, y met le feu à l'aide de son briquet. L'incendie ne se propagera pas mais coupera néanmoins l'appareil en deux. Sur l'empennage on peut lire l'idenfication du bombardier et son numéro de série. L'on saura plus tard qu'il était du 381ème groupe de la 8ème Air Force et qu'il revenait de Ratisbonne.

La guerre est virtuellement terminée pour ces dix hommes qui, résignés, gagnent, sans se presser, le chemin proche où ils s'asseyent sur le fossé, en attendant la suite des évènements. Les badauds accourus pour les voir, à défaut de pouvoir s'exprimer, leur font discrètement, timidement des signes d'amitié leur montrant notamment la lettre "V" des doigts de la main.

Mais la Feldgendarmerie ne se fait pas attendre. Lorsqu'elle arrive, le brouhaha des conversations cesse. L'on s'éponge le front sur lequel la chaleur et l'angoissse momentanée à l'arrivée  des allemands ont fait perler la transpiration. L'on n'entend plus que le chant des oiseaux et le "cri-cri" des criquets dans l'herbe chaude de l'été.

Le premier geste spontané des américains vis-à-vis des allemands est de jeter à leurs pieds leur pistolet d'un air désabusé. Les Allemands les obligent à se mettre au "garde à vous" puis à joindre les mains derrière la nuque. Tandis qu'ils les forcent à rester de longues minutes dans cette position, le plus petit des américains qui a conservé sa veste de cuir et ses bottes de mitrailleur s'effondre sur le sol, accablé par la chaleur. Alors que deux de ses compagnons se penchent pour l'aider à se relever, un des Allemands vocifère, les obligeant à reprendre leur position ; l'infortuné mitrailleur reste étendu par terre.

 

 

Il y a là tout près, dans un pré, un refuge où le bétail se met à l'abri en cas d'intempéries. Les Allemands y font pénétrer les américains, en attendant leur transport un peu plus tard.

A l'approche de Namur, dans le fond de Marivaux, le camion militaire allemand tombera dan sune embuscade tendue par l'armée blanche. Libérés, les Américains rejoindront l'Angleterre par l'une des filières mises au point par la résistance.

Je ne me souviens plus de l'époque mais, peut-être peut-on faire le rapprochement entre le B17 atterri le 17 août 1943 à Petit-Leez et celui qui, à Nil, fit un atterrissage forcé, terminant virtuellement intact, sa course sur le ventre, à quelques mètres de la nationale 4. Vraisemblablement aussi pris en charge par la résistance, l'équipage du bombardier échappa-t-il aux Allemands.

Je revois, toute scintillante au soleil, la carcasse d'aluminium du superbe quadrimoteur aux dimensions surprenantes pour l'époque. La substance cependant très rigide qui tenait lieu de vitres avait volé en éclats sous les coups de patriotes invétérés qui, du matériau en question, confectionnaient des bagues ou des croix "souvenirs".

Source : CNI,1288

 

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