NOTICE

HYGIENIQUE ET NOSOGRAPHIQUE RAISONNEE

SUR LA

COMMUNE DE GRAND-LEEZ ( NAMUR )

PAR M. LE DR G. NIHOUL

MEMBRE FONDATEUR DE LA SOCIETE ROYALE DE MEDECINE PUBLIQUE DE BELGIQUE (1)

 

 

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RAPPORT PRESENTE SUR CE TRAVAIL AU CERCLE DE NAMUR PAR MM. LES DOCTEURS POLIART ET TOURNAY. M.HAMOIR, rapporteur.

 

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Messieurs,

A notre dernière réunion, M. le Dr Nihoul, de Grand-Leez a adressé au Bureau un travail intitulé : Notice hygiénique et nosographique raisonnée sur la commune de Grand-Leez (Namur). Ce travail, vous l'avez renvoyé à l'examen d'une commission composée de MM; les Drs Poliart et Tournay, de Gembloux, et de l'auteur de ce rapport.

Je m'acquitte d'autant plus volontiers de la mission qui m'est confiée que ce mémoire rentre complètement dans le cadre que s'est tracé la Société Royale de Médecine publique. Il s'agit, en effet, de chercher à découvrir les causes qui engendrent les maladies et de les faire disparaître ensuite, pour autant que la suppression ne dépasse pas la portée de l'humaine puissance.

Si notre honorable collègue Nihoul n'est pas parvenu encore au but qu'il poursuit, il a du moins le mérite d'avoir par ses conseils sages et éclairés, aidé l'administration communale de Grand-Leez à assainir cette commune par des travaux hygiéniques, à diminuer le nombre de malades, à rendre les maladies moins graves et à doter ainsi la classe oouvrière d'un immense bienfait.

Je crois être votre interprète, Messieurs, en lui témoignant ici publiquement nos sincères félicitations.

Le travail qu'il nous présente est complet ; il a exigé beaucoup de recherches ; il décèle le véritable praticien, scrutant près de chaque malade la cause qui a fait naître le mal, pour le faire disparaître, au moins pour en diminuer l'intensité et arriver par là à rendre la maladie moins sérieuse et à empêcher son extension.

Le travail du Dr Nihoul est conforme au programme que l'Académie de médecine de Belgique arrêta dans sa séance du 31 décembre 1864 pour la rédaction des travaux concernant les maladies épidémiques. Ce programme fut adressé en 1865 à tous les médecins du royaume, par l'intermédiaire des administrations communales, et déjà MM. les Drs Paul, de Namur, et Dumoulin, de Gand, ont suivi la même marche dans les mémoires qui furent publiés sur le choléra dans les dites villes, en 1866.

 

 

Le Dr Nihoul décrit avec clarté et méthode, en rattachant d'une manière attrayante le passé au présent : la topographie, l'hydrologie, la météorologie de Grand-Leez, la voierie, les habitations privées, les écoles, le cimetière, l'état moral et physique des habitants, les revenus affectés au service médical des indigents et leur emploi, le mouvement de l'état-civil pendant les vingt dernières années, les maladies habituelles et les épidémies qui ont régné dans la localité.

Il note, avec un soin minutieux, les causes d'insalubrité qui existent dans cette commune et il signale, comme moyen de les neutraliser, certaines additions aux règlements communaux, en ce qui concerne l'hygiène, notamment : défense d'empêcher la circulation des eaux pluviales, d'établir des puisarts. Obligations pour les habitants d'établir des latrines, défense de laisser s'écouler sur la voie publique le jus du fumier, analyse des farines débitées, interdiction de la vente des animaux malades ou morts. Défense de laisser exposer à l'air les cadavres d'animaux, la fermeture des cabarets à 10 heures du soir, dispositions auxquelles l'administration communale devrait rigoureusement tenir la main.

Notre collègue recommande aussi, comme mesure d'hygiène publique, de faire paver les chemins qui longent les habitations et les accotements où l'eau est stagnante, d'assainir les habitations pauvres, d'établir des tuyaux de drainage près des maisons bâties sur un sol humide, de paver et de munir de conduits les cours reconnues malsaines.

Il préconise le blanchissage à la chaux, l'établissement de puits publics, l'interdiction de l'école aux enfants lors de l'apparition d'une épidémie.

Toutes les dépenses à résulter de ces améliorations incomberaient, dit l'auteur de la notice, à la commune, au bureau de bienfaisance et à l'Etat. Elles seraient compensées par la diminution des maladies parmi les indigents et conséquemment par une économie sur les médicaments à fournir.

Enfin, il propose encore, comme moyen préventif des maladies, l'enseignement dans l'école de preceptes d'hygiène simples et faciles à retenir pour les élèves. Il est d'avis que la Société Royale de Médecine publique adresse au Conseil de perfectionnement de l'instruction primaire une demande tendant à faire figurer l'hygiène dans le programme de l'enseignement.

Votre commission ne partage pas complètement la manière de voir de M. Nihoul sur l'interprétation à donner à certains faits.

Nous ne pouvons admettre, par exemple, que les marais n'auraient aucune influence nuisible sur la santé. Que les terrains plus ou moins marécageux de Grand-Leez ne donnent naissance à des fièvres paludéennes, nous en convenons volontiers. Mais nous ne pouvons admettre la théorie prise dans un sens général, car l'influence pernicieuse des eaux stagnantes est hors de doute : Partout et si haut qu'on remonte dans l'histoire, l'action des marais se fait sentir avec une intensité plus ou moins grande et des caractères qui se diversifient suivant la nature des eaux.

Nous regrettons aussi la théorie qu'il préconise sur les cimetières; à savoir : qu'ils ne seraient pas toujours aussi nuisibles qu'on le prétend, lorsqu'ils sont placés au milieu des agglomérations.

 

 

Sans nous reporter aux temps les plus anciens où les lieux de sépultures étaient éloignés de l'enceinte des localités, il est admis de nos jours que l'établissement d'un cimetière autour de l'église et au milieu des habitations expose celles-ci soit à l'infection de leur atmosphère ambiante, soit aux infiltrations souterraines de gaz qui altèrent les eaux du voisinage. On ne peut tolérer un cimetière dans ces conditions, que lorsqu'il est d'une étendue telle que les fosses ne sont couvertes que dans l'espace d'une vingtaine d'années et que par là le terrain ne se trouve saturé de miasmes cadavériques que dans un temps très long. Encore le moment viendra-t-il où le déplacement s'imposera comme une nécessité.

Dans l'exposé des améliorations que M. le Dr Nihoul recommande pour rendre plus salubres les habitations ouvrières, nous ne trouvons aucune mesure pour remédier à l'encombrement, cause si redoutable en temps d'épidémie ou lorsqu'on se trouve en présence d'une affection contagieuse.

Deux solutions se présentent : la création d'un hôpital, où l'Etat et les provinces intervenant au moyen de subsides dans la constructions de maisons ouvrières, de manière à pouvoir imposer leurs plans de bâtisses. Cette intervention exigerait au préalable la création d'un fond important.

Quand à l'enseignement de l'hygiène que M. Nihoul voudrait voir introduire dans les écoles primaires, nous ferons observer que ce cours est donné aux élèves des écoles d'adultes. Ces écoles existant à peu près partout, nous croyons que cet enseignement a sa place mieux marquée pour les jeunes gens plus âgés et dont l'instuction est déjà plus avancée que dans les écoles primaires où le programme n'est déjà que trop surchargé.

C'est quelques observations n'ôtent rien au mérite du travail de notre honorable collègue. Aussi, votre commission vous propose-t-elle de lui adresser des remercîments pour son intéressante communication, et elle exprime le désir que sa notice figure dans le Bulletin de la Société.

Le rapporteur,

(Signé) Dr HAMOIR.

 

(1) Extrait du Bulletin de la Société Royale de Médecine publique du royaume de Belgique, 5ème fascicule, Juillet 1881.

 

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