LES ANNEES DE GUERRE
La pénible retraite des forces blindées françaises à Grand-Leez
"Extrait du journal Vers l'Avenir du samedi 31 aout 1940"
Dès le déclenchement des hostilités, le paisible village agricole de Grand-Leez, a vécu, comme tant d'autres, des heures d'angoisse.
Les troupes françaises firent leur entrée dans la localité, le samedi 11 mai dans l'après-midi. De longues colonnes de camions, transportant des munitions, s'arrêtèrent sur le territoire de la commune où elles séjournèrent jusqu'au dimanche.
Ces convois ne manquèrent pas d'attirer l'attention de l'aviation allemande qui survolait la région depuis la veille et à 7h30, onze torpilles furent larguées. Heureusement celles-ci n'atteignirent pas leur but, sinon le village aurait été en partie détruit par l'explosion des charges de munitions. Et combien de braves paysans y auraient trouvé la mort ! Toutefois deux soldats français furent tués au cours de ce premier bombardement. Les batteries s'installèrent et, dans l'après-midi du dimanche, une escadrille de bombardiers apparut au dessus de la localité. Quelques bombes furent à nouveau lancées sur les colonnes. La nuit du dimanche à lundi fut calme dans les airs mais sur les routes de la commune, le trafic était particulièrement intense.
Au cours de la journée de lundi les alertes furent moins nombreuses, les réfugiés commencaient à traverser en colonnes interminables la localité mettant toute une population aux abois par des "bobards" inimaginables.
Les chars d'assaut français et la grosse artillerie s'établissaient parmi les rues les plus désertes de notre commune. Les forces blindées s'étaient échelonnées à la lisière du bois communal sur toute l'étendue. L'autorité militaire française donna l'ordre d'évacuation obligatoire, l'armée devant résister derrière la ligne de défense anti-chars qui traversait Aische-en Refail, situé à deux kilomètres de là. L'artillerie lourde éparpillée dans le village, il ne devait plus rien subsister à Grand-Leez. Avec calme, la population reçut l'ordre d'évacuation et rapidement, les habitations se vidèrent de leurs occupants.
Le mardi 14, dans la matinée, les premières troupes allemandes arrivaient à la hauteur de la ligne de barrières anti-tanks à Aische-en-Refail. Cette puissante ligne de fotification ne fut pas très pénible à franchir et les armées allemandes trouvèrent le passage libre à plusieurs endroits, les Français n'ayant même pas eu le temps de fermer certaines routes importantes. Les soldats belges qui avaient livré combat parmi les quartiers en ruine de Perwez s'étaient retirés sur Grand-Leez. L'aviation allemande poursuivant ses raids sans arrêts et à basse altitude obligea les forces blindées alliées à disparaître. Ce fût une véritable débâcle parmi les chars français, pourchassés dans la traversée de la commune par les chenilles allemandes bien plus rapides.
Au hameau de Taravisée, plusieurs chars d'assaut français se sont enlisés dans un fossé à la sortie du bois, ainsi qu'en témoigne les épaves ; tandis qu'un autre, sous un arbre, abattu par un obus, est perforé. Dans ce dernier, le pilote fut tué d'un obus à la tête et son corps repose encore actuellement à côté de l'engin parmi les hautes broussailles. A quelques cent mètres de la lisière du bois, quatre gros chars d'assaut sont abandonnés. Ceux-ci portent de nombreuses traces de combats mais aucune tombe ne témoigne qu'il y a eu des victimes.
Le long de la route d'Aische-en-Refail, cinq de ces grosses chenilles, dont trois se sont enlisées dans le fossé bordant la route, furent délaissées par leurs propriétaires français. On peut voir parmi cette mitraille une tombe d'un pilote tué. Dans tous les coins de la commune on apercoit des chars abandonnés. Leur retraite fut bien pénible. Certaines de ces unités blindées dont on a retrouvé les conducteurs tués au volant fuyaient à travers les campagnes. Le nombre de ces chars d'assaut, abandonnés sur le territoire de la commune s'élève à vingt-quatre. De nombreuses pièces d'artillerie et des canons de gros calibres furent abandonnés sur place. Des piles de munitions hautes de plusieurs mètres, des rangées d'obus, derrière lesquelles disparaissaient les petites habitations de la rue du Trou, faisaient frémir les habitants de ce modeste quartier.
Les dégats :
L'active retraite des armées françaises sur Gembloux épargna à la commune de Grand-Leez de graves dégats. Au hameau de Taravisée, une seule habitation a été détruite, c'est la ferme de Mme veuve Tholomé avec ses dépendances. Rue du Vilcran, la maison de M; Joseph Noël, menuisier et rue aux cafés, celle de M. Joseph Bossuroy ont été toutes deux incendiées. Quelques maison de la route d'Aische-en-Refail ont reçus des obus mais, à présent, toutes les réparations sont terminées.
Les victimes :
Au cours de leur funeste randonnée en France, pusieurs personnes succombèrent, les unes, par l'effet des bombes, tandis que d'autres mouraient de mort naturelle. Léon Radelet, époux de Louise Masson, 56 ans, tués dans un bombardement à Abbeville ; Léonna Noël, épouse de Emile Noël, 56 ans,tuée à Trazegnie le 15 mai ; Joseph Noël, épous Decoux, 62 ans, tué également à Trazegnie au cours du même bombardement. Nestor Marlier, époux de Marie Colignon, succombe à la suite de ses blessures à Avesnes le 18 mai ; Omer Mautfort, époux Emma Thereur, 50 ans, décédé de mort naturelle à Binche ; Emile Jeannée, époux de Félicie Bertrand, 55 ans ; François Leroy, époux de Julie Dujardin, 52 ans, décédé de mort naturelle à Marcinelle ; Sydonie Dessart, veuve de Alphonse Destrée, 80 ans, décédée de mort naturelle en France ; Léonnie Charles veuve de Jules Mottart, 65 ans, décédée en France mort naturelle.
Mort au champ d'honneur :
Parmi les vaillants combattants de notre commune morts pour la Belgique, trois noms sont actuellement inscrits au tableau des héros : Marcel Gruselle, milicien de la classe 1940 faisait partie du Bataillon Moto des Chasseurs Ardennais, 1re compagnie, 20 ans, blessé à Kesselbergh, au nord de Menin le 23 mai et décédé à l'hopital Brugman à Bruxelles le 27 mai ; André Léonet milicien faisant partie du 19ème régiment de ligne, né à Rhisnes le 13 juillet 1912 époux de Maria Charles tué au cous du combat des Flandres à Oesselghem le 26 mai ; Jean Closset, soldat de forteresse de la classe 1934, tué au fort de Malonne, il était domicilié à Petit-Verly, dans le département de l'Aine ( France ).
Parmi les soldats qui tombèrent au cours des combats dans la localité sont inscrits officiellement à la Maison Communale les noms de quatre Allemands et de huit Français.
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Ce char, dont la coupole est perforée, fut abandonné par les troupes de l'armée française lors des combats qui se déroulèrent dans notre village le mardi 14 mai 1940. Il s'embourba dans le petit ruisseau qui se situait, approximativement, en face du n° 37 de la rue d'Aische-en-Refail.