MARIA DAL' BARAQUE
Au début du siècle, deux originaux, un peu cocasses, habitaient une petite bicoque jouxtant la fermette de François Leroy au hameau de Taravisée. Tous les villageois les connaissaient. Elle, de son vrai nom Marie Losson, était mieux connue sous les sobriquets suivants : Marie dal'Baraque, la p'tite Marie, Marie perruque ou encore Marie quinique! Son mari, elle l'appelait...le p'tit Joseph! Sur la photo, vous remarquerez le sérieux handicap dont ce dernier était accablé.
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Après la guerre 14-18, le taudis, occupé par ce couple, fut vendu pour être abattu. Sans logis, Marie et Joseph vécurent alors dans une humble roulotte. Compatissant, Joseph Simonet, maréchal-ferrant, établi au-dessus de la "Rouale", autorisa ces deux baladins à s'installer sur un coin de sa propriété. A peine intégrés dans leur nouveau quartier, le p'tit Joseph décéda et Marie se retrouva seule avec ses souvenirs de femme ayant fait partie des gens du voyage. Comme un malheur ne lui suffisait pas, la maison, les dépendances et ce qu'elle considérait comme son bien, furent mis en vente publique. Ce furent les époux Montfort-Masson qui devinrent propriétaires. Marie, désemparée, implora "M'T'Che Arsèle", le papa de Julien Montfort, l'autorisation de rester sur son terrain. Alfred, dont la générosité n'était jamais prise en défaut, lui donna son accord et lui permis même d'adjoindre à sa baraque une petite annexe!
Toute cette installation, entourée d'un fameux bric-à-brac, resta à cet endroit jusqu'en 1945, année ou Marie Losson rendit son dernier soupir. C'est à cet emplacement que la maison ( ancienne poste ) portant le n°15 à la rue Renier fut construite en 1946.
En quelques lignes, je vais m'efforcer de vous dresser le portrait de cette femme que tout le monde connaissait et que tant de jeunes de notre village ont bien souvent enquiquinée!
Marie, femme trapue mais de petite taille, s'exhibait volontiers, affublée de fringues bariolées. Bien souvent, elle arpentait les rues du village, juchées sur des échasses. Lors des kermesses, quand elle entendait le son de la musique, elle bondissait de ses "chalètes" et se lançait dans des cabrioles et des entrechats endiablés. A bout de souffle et sous les quolibets du public, elle exécutait alors ce qu'elle appelait "la danse du ventre"! Le spectacle terminé, sans aucune gêne, elle ne manquait pas de faire la manche parmi les badauds.
Certains jours, elle demzandait l'aumône, vendait des savonnettes, du papier émeri, des gadgets, des moulins en papier et des petits fauteuils en bois de sureau qu'elle confectionnait pendant la mauvaise saison.
Elle seule, avait le triste privilège d'aller de porte en porte informer les villageois du décès et du jour des funérailles d'un paroissiens ; l'annonce de la découpe d'une bête accidentée était aussi dans ses cordes!
Les lundis de ducasse, munie de son éternel cabas, elle quémandait par-ci par-là, un morceau de tarte. Le même scénario se représentait le jour de l'an mais...c'était la galette qui était alors bien accueillie.
Comme c'était l'usage le mardi gras, Marie ne manquait pas de se rendre de ferme en ferme, en quête d'un petit morceau de lard qu'elle enfilait sur une baguette d'osier ; cela s'appelait aller "al t'chernée"! ( La phrase magique utilisée lors de cette démarche, aujourd'hui disparue, était la suivante "One pitite t'chernée si vo-plait lî Bon Diè i l'rindres dîn l'année"). Les gens crédules ou susceptibles la craignaient car, ne disait-on pas, que la p'tite Marie dal'baraque pouvait jeter un sort? Elle avait l'art de repérer les faibles et de les emberlificoter pour leur taper la carte ou leur prédire l'avenir.
Malgré tout ce que l'on a pu en dire ou en penser ; Marie, petite femme bizarre a toujours été de bon voisinage et faisait partie du folklore de notre village.
En quelques lignes, je vous ai dévoilé certaines facettes de cette vie un peu bohême.
Ah, j'oubliais..ne croyez surtout pas que Marie Losson est morte dans le besoin! Croyez-moi, elle avait son bas de laine bien fourni en pièces d'or et d'argent!
Source : CN50,121992 )
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