NOTICE
HYGIENIQUE ET NOSOGRAPHIQUE RAISONNEE
SUR LA
COMMUNE DE GRAND-LEEZ ( NAMUR )
PAR M. LE DR G. NIHOUL
MEMBRE FONDATEUR DE LA SOCIETE ROYALE DE MEDECINE PUBLIQUE DE BELGIQUE
*
ANTIQUITES DE GRAND-LEEZ
ET DES ENVIRONS
Le village de Grand-Leez paraît bien tirer son nom, soit du mot Lees qui, selon Ducange, signifie, dans l'ancien saxon, une prairie, un pâturage, soit du breton Leis, humide, mouillé. Grand-Leez, traversé par le ruisseau appelé l'Orneau, est,en effet, situé au milieu de nombreuses prairies marécageuses, et possède encore un étang dans lequel on peut voir divers vestiges d'anciennes constructions. Ces marais tourbeux offrent non moins d'intérêt au botaniste, à cause de leur flore spéciale, qu'au chasseur, à cause de l'abondance du gibier d'eau. Mais l'archéologie y trouve aussi matière à d'utiles explorations.
Situé à peu de distance de la chaussée romaine de Bavay à Tongres, Grand-Leez semble avoir déjà été peuplé sous la domination romaine, à en juger par les nombreux vestiges de cette époque que renferment le territoire de la commune et les environs.
On y a trouvé plusieurs fois aussi d'anciennes bures destinées à l'extraction de la marne et de la mine de fer. Le bois dit des Fosses (1), aujourd'hui défriché, qui paraît avoir dû son nom à ces travaux, possédait aussi deux tumulus nivelés par la culture. L'un d'eux a fourni, il y a peu d'années, différents objets en poterie : jattes, cruches, etc... A quelques cent mètres de là existent encore trois autres tumulus nivelés, mais qui ne paraissent pas avoir été explorés.
Dans les environs, j'ai observé aussi plusieurs substructions de l'époque romaine. Dans l'une, j'ai rencontré de nombreux débris de vases de diverses dimensions, des tuiles, dont l'une portant les lettres CVS, une lame de fer à laquelle adhérait encore, à l'aide d'un clou, un morceau de bois calciné, une pierre meulière, etc... On y voyait aussi des cendres et des charbons de bois près des restes d'un foyer construit en petites briques maçonnées avec de l'argile. Une autre substruction peu importante, avec quelques fragments de tuiles et de nombreux petits cailloux, existait à peu de distance d'un des tumulus.
A côté du bois des Fosses, on voit, près d'un ancien marécage, une excavation considérable dans une terre très plastique, et qui se prête difficilement à la culture. En y faisant des fossés de dérivation, on a mis à découvert l'entrée d'un aqueduc destiné, sans doute, à saigner le terrain. Nous pensons que ces terres plastiques servaient à alimenter deux fabriques de poteries romaines situées, l'une à trois cents mètres, l'autre à cinq cents mètres environs de cet endroit.
La première de ces fabriques fut observée, il y a une quinzaine d'années, par le propriétaire du terrain. En aaprofondissant ce sol, tout parsemé à la surface de nombreuses poteries de diverses espèces, il rencontra plusieurs fourneaux dont les parois épaissses étaient en argile cuite, d'un aspect blanchâtre et dure comme la pierre. A côté se trouvaient beaucoup de morceaux de la même substance et de forme ronde : à en juger par leur contour, ces fourneaux devaient être en forme d'entonnoir ; ils étaient littéralement remplis de pots cassés. On en voyait des quantités, parmi lesquels beaucoup d'anses et de goulots, et quelques fragments de tuiles romianes dans les terrains voisins. A trois cents mètres seulement du château de Petit-Leez, existait une deuxième poterie. Le terrain avait été boulversé, il y a quelques années, par l'extraction de pierres brutes et de pierres de taille, ce qui faisait dire que c'était l'emplacement des caves d'un ancien château.
Toutefois, en surveillant des ouvriers qui en extrayaient du sable, je remarquai que celui-çi était en partie blanc et en partie noir, et je pus observer des quantités considérables de fragments de pots de diverses dimensions ressemblant à ceux de la précédente poterie, des charbons, des clous, une cuillère en cuivre ; puis des restes de fourneaux comme çi-dessus. Mais ici l'argile cuite des parois était de couleur brique. Ce terrain a été bouleversé depuis par le redressement d'un chemin. A proximité, se trouvaient aussi, sur une couche épaisse d'argile provenant d'ailleurs, des pierres brutes et des fragments de tuiles romaines. J'ai ramassé, sur cet emplacement, une monnaie fruste.
Au Nord-Est de Grand-Leez, le bois qui porte son nom renfermait nombre de monticules avec constructions de l'époque romaine. Des fouilles y ont été faites par notre Société archéologique, et décrites dans le tome XVI de ses publications. Ces vestiges étaient contigus au grand marais auquel le village paraît devoir son nom, ainsi que nous l'avons dit.
Sur les bords de cet ancien amas d'eau, nous avons reconnu quatre autres emplacements de substructions romaines dont une au lieu dit Maugré et une autre dit Laid Maule, et, en outre, une sorte de caveau en pierres brutes, accompagnés de morceaux de pots en terre noire. Nous présumons que c'était une tombe. A côté, nous croyons reconnaître les traces d'un diverticulum, se dirigeant vers la grande Chaussée romaine.
Résumant mes découvertes d'habitations romaines, je puis en compter 39 existant dans un rayon de un à deux kilomètres à partir du grand marais de Grand-Leez et du petit marais de Petit-Leez, à savoir : onze à Grand-Leez ; une à Lonzée ; cinq à Meux ; une à Liernu ; quatre à Aische-en-Refail ; sept à Sauvenière ; sept à Thorembais-Saint-Trond (Brabant), et trois au lieu dit Jausselette (Perwez). Les subsructions de Grand-Leez viennent d'être décrites, mais nous avons, en outre, rencontré, dans le territoire de cette commune, plusieurs amas de pierres semblables à ceux reconnus dans les constructions ci-dessus : je suis donc porté à supposer que Grand-Leez et ses environs ont peut-être été habités, sous la domination romaine, par une colonie assez nombreuse, attirée en ces lieux par la fertilité du sol et la proximité d'un grand amas d'eau, ou lac.
(1) Bois des Fosses = La campagne qui se trouve sur la gauche de la route de Meux. Elle s'étend depuis la maison de Jules Quinaux, N°75, jusqu'à la hauteur de la rue de Champ de Leez et en profondeur jusqu'à la parallèle du chemin de remembrement des Fosses des Renards.
Voici maintenant ce que nous avons observé dans les localités voisines :
A Lonzée, on a extrait quantité de pierres d'une construction romaine. A peu de distance, aux confins du territoire de Saint-Denis, on remarque des tas de minerais de fer ; mais on ne sait d'où ils proviennent. Il y a quelques mois, j'ai découvert à proximité, l'emplacement d'une construction romaine. Peut-être retrouverait-on là des objets en fer fabriqués sur les lieux.
Une seule des cinqs constructions de Meux parait avoir été importante. Elle est située à mi-côte d'une petite vallée, et fournit des fragments de tuiles et de pots, des ciments et des pierres. Un laboureur y a aussi trouvé une monnaie romaine fruste, ainsi qu'une pièce d'or sur laquelle je n'ai pu obtenir de renseignements. Des trois autres substructions de Meux, deux sont situés sur le bord d'un marais tourbeux, la troisième, placée au sommet d'une pente assez rapide, est parsemée de morceaux de tuiles et d'ardoises.
A Liernu, non loin du bois des Fosses cité plus haut, une substruction romaine, présentant les mêmes caractères que les précédentes, a été découverte par M. l'abbé Barbier, ancien curé de Liernu. A peu de distance devait passer un chemin que nous considérons comme un diverticulum.
A Aische-en-Refail, l'une des constructions, peu importante, est aux confins du territoire de Liernu ; l'autre est voisine du bois de Grand-Leez. A proximité devait aussi passer notre diverticulum se dirigeant, pensons-nous, de la Chaussée romaine vers Jennevaux.
Près de l'église d'Aische-en-Refail existaient aussi, il y a quelques années, les restes d'une importante construction romaine. Beaucoup de tuiles entières en ont été retirées et ont servi, en partie, à paver une petite chambre d'une maison placée sur l'ancien bâtiment romain. Peut-être aussi est-ce de là que provient le pavé exploré récemment par la Société archéologique de Namur, dans le parc du château de M. Van Goidtsnoven. Les fragments de tuiles composant ce pavé paraissaient, en effet, avoir été extraits de quelque construction, voisine sans doute.
Signalons encore, à Aische, dans la campagne dite Bois de Perwez, un tertre jadis beaucoup plus élevé qu'aujourd'hui, et, à peu de distance, vers la Respaille, divers débris et un pavé de pierres attestant l'existence d'une habitation romaine.
A Sauvenière, dans une campagne appelée Béro, on a trouvé, il y a environ trente ans, en défrichant une haie bordant la Chaussée romaine, des pierres de taille, dont l'une semblait un seuil de porte, et quatre monnaies romaines. Deux sont à l'effigie de Trajan, la troisième à celle de Vespasien, et la quatrième à celle de Lucius. Une urne était placée à côté de ces objets. Les ouvriers qui les ont mise à jour disent qu'une cave doit exister en cet endroit. Le terrain environnant est parsemé, des deux côtés de la Chaussée romaine, et sur une assez grande étendue, de débris de tuiles et de pots, de pierres, d'ardoises, de mortiers, etc...Le soc de la charrue est souvent arrêté par des pierres. J'ai recueilli, sur cet emplacement, deux monnaies romaines, l'une illisible, l'autre de Claudius. A en juger par l'étendue de terrain couvert par ces débris, je pense qu'il a dû exister là des constructions importantes. Serait-il permis de supposer que la station de Geminiacum se trouvait à cet endroit?
A une centaine de mètres de la campagne de Béro, et à une dizaine de mètres de la Chaussée romaine, on reconnaît des traces d'une autre construction, avec fragments de tuiles et de pots. D'après le propriétaire, les récoltes sont toujours plus belles sur cet emplacement que dans les environs.
Au hameau de Bodecet (Sauvenière), on a trouvé à peu de distance de Béro et le long de la Chaussée romaine, un amas de pierres brutes de différentes nature. Nous ne pouvons nous prononcer sur l'origine de ce dépôt.
Entre la Chaussée romaine et les prairies marécageuses où existait autrefois le grand amas d'eau signalé plus haut, se trouvent les substructions romaines les plus considérables que nous ayons rencontrées dans les environs. On dit que ce sont les restes d'une ancienne abbaye ; mais c'était sans doute une villa romaine. A côté, se trouve une excavation assez étendue qui a valu à la localité le nom de Fosse al Ransart. Une superficie d'environ un hectare présente la quantité de fragments de pots de diverses espèces, de verre épais de couleur foncée, de ferrailles fortement oxydées. J'y ai recueilli aussi trois médailles très frustes, dont les revers, bien conservés, montrent encore les lettres SC. C'est la construction la plus importante de toutes celles que j'ai reconnues.
A cent cinquante mètres environ de cette villa, on peut observer encore, sur une étendue de quelques ares, les restes d'une habitation romaine.
Sortant maintenant quelque peu des limites de la province de Namur, nous pouvons signaler le bois de Buis, situé sur le territoire de Thorembais-Saint-Trond. Il est traversé par la chaussée de Charleroi à Tirlemont et voisin de la route romaine. L'ouragan du 13 mars 1876, ayant renversé des arbres de ce bois, a mis au jour des fragments de tuiles romaines, de carreaux et un tas de pierres brutes. L'une d'elles, blanchâtre et tendre comme celle de Noduwez-Linsmeau, près de Jodoigne, était plane sur trois de ses côtés et concave sur le quatrième. Des morceaux de bois carbonisés se trouvaient auprès.
A deux ou trois cents mètres de là, on remarque une partie de terrain assez considérable, de forme carrée, entouré de fossés larges et profonds. Les recherches superficielles que j'y ai faites m'ont procuré la découverte d'un pavement en pierres, de fragments de tuiles romaines et d'un mur de pierre solidement maçonné. On croit communément que c'était le premier emplacement de la ferme actuelle de Limelette. Je crois plutôt que c'était un fort romain. Les gardes du bois m'on dit qu'il y avait encore, dans d'autres parties de celui-ci, des restes d'une ancienne habitation. Près de la lisière du même bois, à quelques pas de la voie romaine, existe un tertre d'une grande élévation. Du haut de cette éminence, on découvre les villages de Meux, Saint-denis, Liernu, Beuzet,...
Dans le bois de Buis, se trouvent aussi des fosses profondes, et une campagne voisine s'appelle la Marlière, sans doute parce qu'on y a tiré la marne. Une autre pièce de terre, vers la ferme de Limelette, porte le nom de Camp des Hussards, dont on n'a pu me dire l'origine.
En allant de la Chaussée romaine à Grand-Leez, on suit un chemin connu anciennement sous le nom de chemin de Wavre à Namur, parce que c'est, en effet, la voie la plus courte entre ces deux villes. Ce chemin traverse un ruisseau à l'aide d'un pont appelé Al Goffe ( au gouffre ) et qui, selon l'opinion commune, devait être, autrefois, assez long pour traverser les marécages voisins, où on a trouvé des blocs de pierres considérables.
A côté de ce pont, dans la campagne appelée Sarts-Postia on rencontre, sur la hauteur dominant les marécages, les ruines d'un édifice assez considérable, qui m'a fourni de nombreux débris de pots, de tuiles, de verre vert semblable à celui trouvé aux villas de Béro et de Ransart, ainsi que diverses monnaies romaines. Près de cette substruction, on remarque, dans la prairie marécageuse, une élévation paraissant produite par des terres argileuses apportées en cet endroit.
A quelque distance des Sarts-Postia est la ferme du Long-Pont, ainsi nommée sans doute à cause du Pont al Goffe. Dans l'enclos de la ferme, on peut voir les traces d'un ancien chemin partant de la substruction ci-dessus et se dirigeant vers les habitations romaines du Ransart, distantes d'environ quatre à cinq cents mètres.
A cent cinquante mètres environ des Sarts-Postia, à proximité de la ferme du Baty et des marais, on trouve des débris de pierres et de tuiles. On y remarque aussi l'emplacement d'un ancien chemin se dirigeant vers la Chaussée romaine, ainsi que l'embouchure d'un aqueduc près du ruisseau.
Le long des marais se voient encore deux substructions romaines, l'une dans la campagne de Champeau, l'autre dans la campagne dite Pitance. Près de ce dernier endroit est un chemin appelé la Ruelle Egyptienne. La tradition rapporte que des familles bohémiennes y avaient établi leurs tentes et baptisaient leurs enfants en faisant un bruit épouvantable. Leur empereur, dit-on, les fit déguerpir de là.
A proximité de Bechnon, situé sur la Chaussée romaine, et à quelques mètres de la substruction de Champeau, existaient encore, il y a quarante ou cinquante ans, des fossés connus sous le nom de Fort de Bechnon. Ces fossés, dont les bords étaient très relevés, se terminaient d'un côté aux marais et de l'autre à un terrain qui paraît avoir été couvert d'eau. En défrichant une haie, à peu de distance de Bechnon, dans un terrain appelé Tige des Morts, on a trouvé beaucoup d'ossements humains.
Nous croyons inutile de signaler des restes de constructions moins anciennes existant à Grand-Leez.
Près du château actuel de Petit-Leez, dans une prairie marécageuse qui faisait anciennement partie du lac, à quelque mètres d'une des poteries romaines signalées plus haut, on distingue trois monticules rapprochés les uns des autres, sur l'emplacement desquels ont existé, dit-on, un château et une chapelle. Les nombreuses pierres et les ciments trouvés en cet endroit indiquent qu'il devait y avoir là une construction importante. La prairie s'appelle le Pré de la Chapelle. On a mis au jour, dans un terrain voisin, les restes d'un ancien chemin pavé.
Non loin, est la Terre des Bénéfices, où a existé, dit-on, une maison habitée par un prêtre.
Dans le marais de Petit-Leez, à deux cents mètres environ des trois monticules, on remarque une éminence arrondie, de plusieurs ares d'étendue, formée par des terres argileuses provenant de la campagne voisine. Il y a une quarantaine d'années, un ouvrier, qui abattait un arbre sur cette éminence, y a rencontré une grande pierre de taille. C'était peut-être un débris de l'ancien château appartenant à la famille de Looz, et que l'on dit avoir existé en cet endroit. En nivelant le terrain, on a mis au jour un petit cheval de bronze. La localités'appelle le Pré des Mottes.
A l'entrée du village, à côté d'un étang, se trouve un moulin qui paraît remonter à une grande antiquité, eu égard aux nombreuses pierres de marne dont se composent ses murailles. Non loin, était l'ancienne demeure du meunier, dite la Taverne, dont il ne reste que quelques murs paraissant fort vieux.
A peu près à cent cinquante mètres de là, au milieu d'un marais tourbeux, se voient encore les vestiges d'un ancien château ayant appartenu aux comtes de Looz. Ce château, bâti sur pilotis, était entouré d'eau, que l'on passait sur un pont-levis. Ses murs avaient une épaisseur très considérable, et la porte d'entrée se trouvait dans une tour appelée donjon. Le tout a été démoli, il y a une quarantaine d'années, et les décombres ont exhaussé le terrain de plusieurs pieds.
Ce sont sans doute là les restes du vieux château appelé, dans les regitres flamands de la Cour féodale du Brabant(1), le Vieux Château de Lornoir (den ouden huyse van Lornoir). Le 28 décembre 1435, le duc Jean de Bourgogne en investit pour un tiers, avec un fief de 14 bonniers, situés à Leys, Jean de Sombreffe, par suite du décès de Guillaume de Sombreffe, son père.
Par lettres parentes du 8 avril 1516, Charles, roi de Castille, investit Jean, comte de Virnenborch, de différents fiefs situés à "Grantlez", avec des prairies et la ferme du Vieux Château de Lornoir (van den ouden huyse van Lornoir), acquise par le comte de Virnenborch de Jean de Salmier, qui l'avait achetée de Marguerite de Sombreffe et de son mari, Thierry comte de Manderscheit(2).
En effet, à cent mètres environ des ruines du Vieux Château, existe un lieu dit la Ferme du Château, anciennement entouré d'eau. Il renferme encore des vestiges d'anciennes constructions, entre autres d'une tour isolée, au bas de laquelle était une pièce privée de jour et que l'on considère comme une prison. Sa démolition ne date aussi que d'une quarantaine d'années.
(1) Reg. dits Leenbrieven. Reg. 122, p.341 v. Arch. du royaume, à Bruxelles.
(2) Id. Reg. 120, p. 137. Le nom de Lornoir se rapproche beaucoup du ruiseau de l'Orneau, qui passe à Grand-Leez. Peut-étre les copistes flamands des Registres des fiefs ont-ils dénaturés l'orthographe du nom de château.
Il y a une quinzaine d'années, des ouvriers occupés à tirer du sable sur la Place de Grand-Leez, ont rencontré, à plusieurs mètres de profondeur, des ossements humains, des pots, des armes, une cuirasse, un marteau, une petite hache, une pièce de fer de forme conique, garnie de pointes et percée d'un trou : c'était sans doute un casse-tête. Ces objets, qui offraient des traces de feu, ont été dispersés, à l'exception du marteau et du casse-tête.
Près de la Ferme Gillon, située à deux cents mètres environ de là, on a aussi trouvé, à une grande profondeur dans le sable, des armes et une pièce de monnaie tout à fait fruste.
Les terrains de la Ferme de la Converterie ont été défrichés, dit-on, au XIème siècle, par les religieux d'Afflighem. Près de la ferme actuelle, située sur un des points les plus élevés de la commune de Grand-Leez, existait, suivant la tradition, une chapelle que l'on dit avoir subsisté jusqu'au XIIIème siècle, époque où on en construisit une autre, démolie en 1780. C'est sur l'emplacement qu'elle occupait que fut alors bâtie l'église actuelle, au frais religieux de Floreffe. Elle est dédiée à saint Amand. A quelques pas de là, existait encore, il y a peu d'années, la Fontaine Saint Amand, dont les eaux étaient renommées pour la guérison des maux de reins. Beaucoup de malades avaient coutume d'y recourir en invoquant le patron de la source.
Le château de Petit-Leez, intéressant spécimen de nos anciens châteaux, sert aujourd'hui de ferme. On prétend qu'un comte de Grimberghe y fut pendu en 1603.
Un manuscrit en ma possession relate que le village de Petit-Leez fut saccagé en 1647.
En creusant un puits au hameau de la Taille-Antoine, on a découvert, à 30 pieds de profondeur, un fémur d'une grosseur extraordinnaire, et au lieu dit Wérichet, une partie d'un tronc de chêne.
A l'extrémité méridionale du territoire de Grand-Leez, près de la limite des communes de Lonzée, De Meux et de Saint-Denis, se trouve la campagne appelée des Six-Justices. Ce lieu resta très longtemps inculte. Les vieillards disent qu'on y voyait autrefois un poteau de bois où l'on attachait ceux qui se rendaient coupables de certains méfaits. C'était donc là sans doute le pilori des seigneuries des villages ci-dessus.
C'est aussi au lieu des Six-Justices que, d'après les vieillards, les sorcières de Lonzée tenaient leurs réunions nocturnes, accompagnées de danses, de chants et de clameurs étourdissantes. Ce vacarme était parfaitement entendu de Grand-Leez, et répandait la terreur dans tous les environs. La croyance aux sorcières est loin d'y être éteinte de nos jours.
Tel est le résumé des recherches que nous avons faites sur Grand-Leez et les environs. Si la Société archéologique y pratique de nouveaux travaux, il y a lieu d'espérer qu'ils produiront des découvertes intéressantes.
DR G. Nihoul, de Grand-Leez
CHAPITRE PREMIER
§ 1.
Grand-Leez, cité dans des chartes anciennes sous la dénomination de Magnus lacus (Grand-lac), porte son nom de la situation à côté de vallées et de vastes prairies marécageuses que l'on rencontre à l'intérieur, à l'extérieur et aux extrémités du village.
A une époque très éloignée, ces marais ont dû être couverts d'eau sur une étendue de plusieurs centaines d'hectares. De là, le nom de lac donné primitivement à notre village.
D'importantes localités anciennes ont emprunté à cette circonstance de lacus, lac ; portus, port ; palus, marais, les noms qu'elles ont encore aujourd'hui. C'est ce qu'on est convenu d'appeler noms de situation.
M. Eugène Del Marmol, dans une description des fouilles opérées dans des tumulus romains, à Grand-Leez (annales de la Société archéologique de Namur), dit, en parlant de la synonymie de cette localité, que, selon Ducange, le lees signifiait, dans l'ancien saxon, une prairie , un paturage.
Dans la langue romaine, les lées, leez, lés, lez signifient localité, étendue, allée. En bas-breton, leis veut dire humide, mouillé.
Tout porte à croire que c'est à ce dernier langage que nous devons l'étymologie primitive de Grand-Leez.
§ 2.
L'examen topographique de la contrée donne lieu de croire que le grand-lac commençait à la limite qui sépare notre territoire de celui d'Aische-en-Refail pour finir à l'extrémité de Sauvenière, à un point très rapproché de Gembloux.
Le petit lac (Parvus lacus) ou Petit-Leez (section importante de Grand-Leez) comprenait les marais actuels de cette section et se terminait aux confins des territoires de Meux et de Grand-Leez.
§ 3.
C'est à l'intérieur du village que le grand lac avait sa plus grande largeur. On y voit encore aujourd'hui plusieurs hectares de marais tourbeux dont une partie, plus profonde, portant le nom d'étang, est couverte d'eau pendant toute l'année.
Ce réservoir sert à alimenter un moulin qui remonte au XIème siècle et dont la construction se ressent de sa vétusté. Dans l'étang même, on voit encore les vestiges d'un ancien château-fort, appartenant jadis au comte de Loos, dont les murs existaient encore, il y a un demi-siècle.
§ 4.
Le plan de la commune de Grand-Leez, que je joins à la notice facilitera l'intelligence de certains passages, notamment de ceux qui ont rapport aux cours d'eau et aux marais.
§ 5.
La flore des marais de Grand-Leez, particulièrement celle de l'étang, est très riche. On y rencontre des plantes rares en Belgique, parmi lesquelles nous citerons :
1° Le stellaria uliginosa ;
2° Le parnassia palustris ;
3° L'eriophoron augustifolium ;
4° Le ranunculus lingua ;
5° Le menianthes trifoliata ;
6° L'oenanthe fistulosa ;
7° Le nymphea lutea ;
8° Le cersium oleraceum .
Une véritable forêt de joncs, de phragmites, de phalaris, de rumex, etc... croît dans cet étang et sert d'asile à beaucoup d'oiseaux aquatiques qui trouvent là toutes les conditions favorables pour leur reproduction. La poule d'eau y est surtout abondante et ne nous quitte pas.
La loutre y était, dit-on, très commune autrefois. Des personnes de Grand-Leez croient avoir reconnu, il y a deux ans, sur la neige, les traces du passage d'un de ces animaux.
On y voit, en leur temps, les bécassines aux endroits les plus aqueux et les bécasses dans les bois adjacents. Ce qui amène, dans nos parages, bon nombre de chasseurs qui font leurs délices de ce gibier.
Adrianus, Junius, médecin belge, vivant au VIème siècle, s'extasie à la lecture de quelques vers, sur la chasse à la bécasse, d'un poète olympien, existant sous l'empereur Carus(202 de Jésus-Christ).
Je les rapporte comme je les trouve consignés dans Adrianus :
- Proedda est facilis et amoena Scolopan.
- Corpore non Paphiis avibus majore videbis.
§ 6.
Grand-Leez, situé entre Perwez et Gembloux, distant d'une lieue de l'une et l'autre de ces localités, citées avec Tongres comme les plus anciennes de la Belgique celtique, devait à sa situation au milieu des eaux, à côté de la chaussée romaine et de plaines très fertiles, d'avoir été habité par une colonie romaine. C'est ce qui est prouvé par les nombreux vestiges et aures semblables inductions qui nous restent de cette incontestable vérité.
Les diverses substructions, le grand nombre de tumuli qu'on rencontre sur notre territoire, les médailles de César, de Vespasien, de Trajan, de Marc-Aurel-Constantin et autrres empereurs romains, qu'on a recueilles sur les lieux mêmes de ces substructions, les fourneaux à poteries romaines dont on vient de découvrir les restes, prouvent que la bourgade ou colonie romaine, dont il vient d'être question, a été assez considérable.
J'ai fait part de ces découvertres au savant président de la Société archéologique de la province de Namur, M. Eugène Del Marmol.
Cette société a commencé à faire des fouilles fructueuses, qui seront continuées lorsque des travaux plus urgents seront terminés.
§ 7.
Le territoire de la commune de Grand-Leez consiste dans une suite d'ondulations de terrains orientés de l'est à l'ouest. Les parties déprimées reçoivent les eaux des campagnes et des sources. Ces eux donnent naissance à deux ruisseaux, bordés dans presque toute leur étendue de prés dont le foin n'est pas réputé de bonne qualité.
La terre tourbeuse, qui constitue le fond de ces prairies, étant toujours acide, fournit une végétation à part et produit un fourrage acerbe.
Ces deux ruisseaux, en se réunissant, forment l'Orneau. Leurs eaux ont un cours facile et ne quittent jamais leur lit. Elles sont généralement limpides et de bonne qualité.
Le sol des prés, inabordable aux chariots, présente un aspect noir et onctueux et retient facilement l'humidité par sa nature spongieuse. La majeure partie de ces prairies ne se dessèche jamais complètement, malgré les nombreux fossés ouverts dont on les a sillonnées. Le peu d'élévation des bords des ruisseaux qui les abreuvent, l'insuffisance de leur pente générale, les nombreuses sources d'eau qu'on y rencontre, s'opposent à la pratique du drainage. Les tuyaux, dans les conditions où se trouvent ces prairies, se rempliraient d'une espèce de limo paludeux qui y forme une occlusion et empêche le passage des liquides.
A une distance de 200 à 300 mètres des ruisseaux, générateurs de l'Orneau, le sol se relève par une pente douce, rarement brusque, et change entièrement de composition : à la superficie, on trouve une couche plus ou moins épaisse d'argile franche, quelquefois colorée en jaune par les oxydes de fer qu'elle contient. En dessous de cette couche, on rencontre un lit de sable.
A une époque inconnue, très éloignée, on a extrait, dans plusieurs endroits du territoire, de la marne qu'on dit avoir été de bonne qualité. L'abaissement considérable des terrains expoités, par rapport à ceux qui les avoisinent, prouve que cette exploitation a été importante.
Dans l'absence presque complète de toute industrie, l'attention d'une population laborieuse et s'accroissant rapidement, a dû se porter sur la culture d'un sol naturellement doué d'une grande fertilité.
Dès 1845, des particuliers ont commencé à se servir des vaches pour effectuer des labours, jusqu'alors exclusivement réservés aux chevaux. La hausse des céréales les rémunéra de leurs efforts et leur exemple trouva de nombreux imitateurs.
Aiguillonnée par une concurrence active et soutenue dans ses aspirations par le prix élevé des denrées alimentaires, la petite culture se soutint et apporta des perfectionnements à ses procédés et donna à son industrie un nouvel essor.
Les cultivateurs, contrairement à ce qui se pratiquait antérieurement, donnent, aujourd'hui, après l'enlèvement de la récolte, un labour de déchaumage et demandent souvent ce qu'ils appellent une récolte dérobée.
§ 8.
Les labours ont étéappronfondis, et l'on commence à comprendre l'importance des engrais, point de départ de la culture. Cependant l'entretien des fumiers, tant au point de vue de l'hygiène qu'à celui des intérêts agricoles, n'est point encore arrivé au point de perfection.
Plusieurs cultivateurs se servent aujourd'hui d'engrais artificiels, surtout pour la culture du lin et de la betterave, et en retirent de grands avantages.
Le chaulage où la chaux est mélangée à des terres, à des racines, à des détritus ou a des plantes parasites, etc... a de temps immémorial, été pratiqué avec fruit.
On emploie aussi la chaux à l'état pur (calx viva) artistement mèlée à la superficie labourable ; elle divise, elle dessèche, elle ameublit.
Appliquée en dedans et en dehors des maisons, c'est un excellent prophylactique. Les règlements des communes devraient tenir la main à l'exécution du blanchissage.
§ 9.
Plusieurs cultivateurs ont fait drainer des pièces de terre et en retirent de bons effets.
Beaucoup de terrains, retenant à leur surface les eaux pluviales (condition très désavantageuse pour la salubrité publique), réclament encore l'application du drainage ; ce travail ne s'exécute pas, parce que les années de sécheresse ont annihilé en partie les vices de ces terres ou qu'elles appartiennent à des propriétaires étrangers à la localité. Ceux-ci craignent les travaux dispendieux qu'il exige.
En somme, les drainages partiels qui ont été exécutés, doivent avoir un effet marqué sur la salubrité publique de l'endroit.
§ 10.
Le bois de Grand-Leez, appartenant à la commune, est située à l'extrémité nord-est du village. Sa contenance est de 109 hectares. Le chêne y domine, croît rapidement, est estimé par les ouvriers.
Au nord-oust du village se trouve la belle forêt, dite de bois de buis : Cette vaste propriété, appartenant à M. Crombez Benjamin, a une étendue de 200 fhectares et contient diffétrentes essences d'arbres, très estimés pour la fabrication.
A l'est, on trouve 80 hectares de terrains cultivés, sillonnés de plusieurs allées de peupliers.
Il y a 30 ans, cette campagne était boisée.
Depuis ce siècle surtout, de grands défrichements ont eu lieu ici et aux environs : C'est ainsi qu'il y a 50 ans , la partie sud-est du village était couverte de bois sur une étendue de 300 à 400 hectares, appartenant aux communes de Meux et Saint-Denis. Aujourd'hui ces terrains sont livrés à la culture et ont été, en grande partie drainés.
§ 11.
Les déboisements qui ont été effectués ne me paraissent pas avoir eu un effet fâcheux sur l'air qui nous environne.
Les céréales et autres plantes herbacées qui remplacent ces bois défrichés, peuvent, aussi bien que les grands arbres, concourir à l'assainissement de l'air par la décomposition des gaz carbonnés, surtout que ces campagnes sont très bien cultivées.
Il est connu de tout temps que la salubrité de l'air des campagnes est d'autant plus grand que la végétation y est plus luxuriante.
§ 12.
L'eau potable, comme on doit d'y attendre, est ici abondante. Elle est rapprochée des habitations, transparente et d'une agréable fraîcheur. Elle est reconnue, par nos ménagères, bonne aux différents usages de la vie et présente toutes les qualités requises, comme boisson.
Un puits, rapproché d'une fosse à purin, a donné, à plusieurs reprises, une eau trouble, provenant de l'infiltration de ce purin dans le sol.
§ 13.
Il y a dans Grand-Leez, quatre abreuvoirs publics ; les autres, au nombre de trois, appartiennent à des fermiers. Presque tous sont alimentés par les eaux de pluie. Dans quelques-uns, le sol, dans la saison de sécheresse, est mis à découvert et répand, dans l'air, des émanations infectieuses.
J'ai demandé, à plusieurs reprises, que l'un de ces abreuvoirs, rapproché des habitations, fût entouré de murs et pavé. Par ce moyen on utiliserait plus facilement comme engrais, la vase infecte qui s'y dépose.
§14.
Nous comptons 6 fontaines publiques, dont les eaux sont de bonne qualité. Elles se trouvent dans un état satisfaisant. Quelques-unes sont entourées de murs et ont un accès facile. Il serait à désirer que cette mesure s'étendît aux autres.
Source : CN48,71992/CN49,101992/CN50,121992/CN,51993/CN5441994